Salut à toutes et tous !!!
Un autre regard... un autre texte d'une association de Lyon cette fois ci : Keep Smiling
Yann - Bus 31/32
"La réduction des risques, c’est quoi ?
Habituellement, on désigne sous le terme de Réduction des risques (RDR) l’ensemble des mesures et politiques de santé publique visant à limiter les dommages (contaminations, infections…) pour les personnes consommatrices de drogues. La réduction des risques concerne toutes les drogues, légales et illégales, ainsi que tous les usages qu’ils soient expérimentaux, récréatifs, ponctuels, abusifs ou inscrits dans une dépendance.
La réduction des risques a pour objectif de rendre accessible les infos et outils qui permettent de limiter les risques liés à l’usage de drogue et aux sexualités.
Historique
En France, ces mesures ont été mises en place, non sans peine, à la fin des années 80 et au début des années 90, en pleine épidémie de Sida. A cette époque, de nombreux usager-e-s de drogues sont contaminé-e-s par le virus du VIH (responsable du SIDA) car ils/elles ne peuvent se procurer des seringues stériles ; le matériel d’injection est donc trop souvent partagé, d’où des contaminations massives chez les personnes injectrices. Grâce au travail acharné de militant-e-s et de responsables politiques, la France prend en 1987 la première mesure de RDR : autoriser la vente libre de seringues en pharmacie. C’est Michelle Barzac, à l’époque ministre de la santé, qui prend cette mesure contre l’avis de son parti politique situé à droite.
C’est une rupture par rapport à la politique française en matière d’usage de drogues, encadrée par la loi de 1970 : l’usager de drogue était jusqu’alors soit un délinquant, soit un malade devant se soigner, donc arrêter sa consommation. Il ou elle avait uniquement le « choix » entre la prison ou le sevrage. La RDR a donc ouvert une voie pour celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas arrêter leur consommation, créant de nouveaux liens avec de nombreuses personnes qui avaient déserté les services de soins et de prévention.
Réalités de terrain
La réduction des risques, c’est admettre qu’une société sans drogue n’existe pas, et n’a jamais existé (dixit Nicole Maestracci, ancienne présidente de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Dépendances et les Toxicomanies) ; toutes les sociétés au cours des siècles ont été confrontées à l’usage de substances psychoactives, qu’elles ont cherché à encadrer ou réprimer. Bien souvent, le recours à ces substances, perçues par certaines cultures comme un lien direct avec le surnaturel ou le divin, était strictement réservé à quelques initiés (chamans) ou à un rite social. De même, certaines substances ont été encensées avant d’être réprimées (l’héroïne a par exemple été utilisée comme traitement de substitution à la morphine au début du 20ème siècle). N’oublions pas non plus que nombre d’entre elles ont été inventées par des scientifiques, ou expérimentées par l’Armée (ecstasy).
N’en déplaise à certains hommes politiques adeptes de la tolérance zéro, tout l’arsenal répressif mis en place par nos gouvernements contre les consommateurs/rices n’est jamais parvenu à empêcher l’expérimentation ou la consommation régulière de substances illicites. Mais bien souvent, ces lois ont des conséquences dramatiques au niveau humain, sanitaire et social, en condamnant les usager-e-s de drogues à la clandestinité et au silence sur leurs prises de risques.
La réduction des risques ne concerne pas que les personnes injectrices ou héroïnomanes : si les seringues et les « kits d’injection » sont le symbole de la RDR, celle-ci repose aussi sur l’idée que toute prise de drogue entraîne potentiellement des risques que l’on peut limiter en s’informant ou en modifiant son comportement. Certes, on ne peut attraper le VIH en gobant un cachet d’ecstasy. Mais nous voyons tous les week-ends en inter des gens qui prennent des risques en consommant des substances sans savoir leurs principaux effets, en augmentant les doses en ignorant le risque d’overdose, en mélangeant des produits sans en connaître les interactions, en prenant le volant sous produit, en ayant des relations sexuelles non protégées…
Réduire les risques, c’est accepter l’idée que le risque zéro n’existe pas, pour personne : pour ne jamais mettre en danger sa santé, il faudrait ne pas prendre de drogue, ne pas avoir de sexualité, ne pas conduire, ne pas traverser la rue, ne pas vivre dans un monde pollué, ne pas manger de nourriture grasse… Pour le commun des mortels, c’est tout simplement impossible. Et c’est oublier que l’être humain est aussi guidé par la recherche de son plaisir, et que celui-ci va rarement de paire avec l’abstinence absolue. Si l’on part de ce constat, alors tout le monde prend des risques tous les jours, les usager-e-s de drogue comme les autres, mais pas forcément plus.
Principes éthiques
La réduction des risques n’a pas pour objectif d’encourager ou de condamner l’usage de drogues ; son but est seulement de donner les moyens (informations, matériel stérile, accès aux droits sociaux…) aux personnes consommatrices de substances psychoactives de protéger leur capital santé. Une information claire et objective sur les risques liés à l’usage de drogue n’incite pas à consommer des psychotropes. De même que la mise à disposition des outils pour consommer des drogues à moindres risques ne favorise pas l’usage de drogues.
La réduction des risques ne s’oppose pas forcément à la prévention, elle s’adresse à ceux et celles qui ont dépassé l’interdit de la consommation pour que leur usage de drogues soit le moins nocif possible à long terme, pour eux et leur entourage. La prévention, le soin des addictions et la réduction des risques participent ensemble à la promotion de la santé de la population en général et des usagers de drogues en particulier.
Réduire les risques, c’est admettre que les usager-e-s de drogues sont des personnes responsables, capables d’exercer leur libre arbitre pour faire des choix pour leur santé ; dix années de RDR ont mis en évidence la capacité des consommateurs/trices de substances à s’organiser pour préserver leur santé : création de groupes d’usagers, distribution de matériel stérile, informations sur les risques, changements de comportements, diffusion de pratiques de consommation à moindre risque… Grâce à cette prise de conscience collective, les usagers de drogue ne représentent plus que 2 à 3% des nouvelles contaminations par le VIH, et les overdoses ont été divisées par 10.
La réduction des risques œuvre dans le sens d’une reconnaissance des usagers de drogue comme des citoyens à part entière. Même si un usager de drogue est en infraction avec le code pénal du fait de la loi de 70, il/elle a le droit à la participation sociale, à la santé, à l’éducation, au travail, au respect.
La démarche de réduction des risques part des demandes et besoins des usagers en matière d’infos, d’outils et d’accompagnement sanitaire et social, pour leur permettre de s’approprier des outils et infos qui visent à limiter les risques liés à l’usage de drogues. Elle privilégie une approche de proximité des usagers de drogue, en intervenant préférentiellement sur les lieux de vie des usagers : par exemple dans les espaces festifs. La démarche de réduction des risques reconnaît l’usager comme un expert pour lui-même et sa santé, ayant des connaissances et un savoir-faire relatif à l’usage de drogues.
La réduction des risques, c’est accepter que ce qui est bon pour soi ne l’est pas forcément pour l’autre, et vice-versa : chaque parcours est unique, ce qui nous pousse à consommer telle substance plutôt que telle autre ou à recourir à telle pratique plutôt qu’une autre est motivé par des raisons complexes qui varient d’une personne à l’autre. Si certains types de consommation peuvent entraîner des conséquences sanitaires plus lourdes, aucun choix n’est plus condamnable qu’un autre. L’injecteur d’héro n’a pas forcément des tendances suicidaires, le gobeur de taz n’est pas forcément si bien que ça dans sa tête…
Parfois le pire des risques, c’est le regard de l’autre, c’est se sentir rejeté-e par son entourage, condamné-e par la société parce que ses choix de vie sont considérés comme déviants par la norme. Réduire les risques, c’est essayer de suspendre son jugement sur l’autre, le considérer comme son égal-e, quelque soit sa consommation, ses pratiques, son milieu culturel, son sexe, son genre, son orientation sexuelle, son apparence, ses origines, sa religion ou ses croyances… C’est aussi travailler sur nos propres préjugés, nos représentations sur ce qui est « bien » ou « mal »… Et c’est parfois l’objectif de la RDR le plus difficile à atteindre !
Conclusions
Toute prise de produit peut se révéler potentiellement dangereuse, et personne n’est au-dessus d’un accident. On peut choisir de ne pas s’informer et de consommer en croisant les doigts très fort. On peut choisir de ne plus consommer du tout. On peut choisir d’aller au bout de ses limites et de se détruire consciemment en toute connaissance de cause. Et on peut aussi choisir de limiter la casse en s’informant sur ce qu’on prend ou en adoptant des pratiques « safe », en utilisant du matériel stérile par exemple.
Aucun de ces choix n’est meilleur que l’autre, c’est à chacun-e de décider librement de ce qu’il/elle souhaite pour lui-même, pour le présent et le futur. Et on peut faire un choix aujourd’hui, et changer d’avis plus tard, même si malheureusement certaines conséquences peuvent s’avérer irréversibles.
Notre seul but en tant qu’association de RDR est de vous donner les moyens d’accéder aux informations et au matériel pour que vous puissiez décider en toute connaissance de cause. Mais le choix, c’est à vous de le faire."
cf. http://www.keep-smiling.com/rdrcquoi.html
http://www.keep-smiling.com/