Aujourd’hui tout le monde ou presque s’est mis à la Tekno, ou écoute ce qu’il croit en être. On va en rave comme autrefois à la discothèque branchée du moment.
Le langage tek est entré dans les mœurs - utilisé à toutes les sauces, sur presque tout support - et a perdu de son sens.
Le hardcore qui, il y a encore 5 ans, était de la musique expérimentale avec trop de BPM pour être classé dans « l’effrayante » famille Tekno, est aujourd’hui un son incontournable des raves, et sa mère Tekno est quasiment considérée comme de la variété par tout bon « teufeur » qui se respecte.
Les teknivals ne sont plus le repère des « petits hommes verts » - nommés ainsi parce qu’ils sont tous vêtus de kaki - qui refoulent leurs agressivité d’ado incompris en arborant des tee-shirt « fuck la » et en dansant des heures la tête dans les caissons de basse pour que la musique atteigne plus vite l’estomac.
Certes, il y a toujours quelques vieux de la vieille, aigris de ne plus être marginaux, et qui répètent sans cesse que « ce n’est plus ce que c’était ».
Mais ils côtoient désormais les beaufs et même de jeunes couples cadres moyens qui viennent s’encanailler le temps d’un samedi soir dans un champs, un hangar désaffecté ou un terrain vague.
Les vendeurs de merde sont les nouveaux dealers de ces rassemblements où tout le monde se rue.
Ils déambulent entre les teufeurs en criant « Extas, Speed, Cocaïne, Héroïnes », tout fiers d’exhiber leurs petits gobelets leader-price remplis de cachetons multicolores styles m&m’s en criant à qui veut l’entendre le nom de ce qu’ils ont à vendre.
Et ils ont beau vendre de la merde, être les bêtes noires des teufeurs et « se la raconter », on les retrouve à chaque manifestation.
Mais le tableau n’est pas tout noir pour autant, à quelques rares utopistes passionnés par ce qui reste la base de tout ça : LE SON !
Irréductibles et bénévoles issus notamment d’associations de sound-system, ils sont persuadés
qu’avec un peu de bonne volonté – celle de tous – il est encore possible de faire un teknival sans que ce ne soit un marché de la drogue, sans jeter nos canettes par terre et en enterrant notre papier toilettes et nos déjections.
Et puis il y a les associations de bénévoles intelligentes - Tekno+ et Médecins du Monde en tête - qui ont compris que la drogue est bien présente et qu’il est stupide de l’interdire puisque c’est comme pisser dans un violon.
Leur travail est d’autant plus admirable qu’il est culotté.
Non seulement ils sont là pour soutenir les « personnes en difficulté », mais également pour faire de la prévention en matière d’utilisation de la drogue !
Et franchement, il fallait oser, au pays de Sarkozy, imprimer des flyers expliquant comment sniffer sans partager sa « paille », consommer sans mélanger les produits ou bien encore distribuer des préservatifs et proposer de tester la drogue pour voir si elle n’est pas coupée avec des produits trop dangereux…
Mais ça, c’est encore un peu tôt pour le faire entrer dans le crâne de nos chers préfets et agents des forces de l’ordre qui ont déjà bien du mal à comprendre qu’on puisse aimer autre chose que Pascal Obispo et Mylène Farmer, et que ce n’est pas faire un pacte avec le diable que de préférer s’enivrer à la Tekno les pieds dans la boue en souriant à tout le monde parce qu’on a avalé « un empathique » qui nous fait oublier que chez nous c’est pas toujours cool…
Mais personne n’est dupe et l’intransigeance de nos hommes politiques n’est due qu’à leur aigreur de ne pouvoir contrôler un marché trop juteux pour fermer les yeux.
En discothèque il y a autant de drogue, si ce n’est plus.
Les tarifs sont phénoménaux - un ecstasy vendu 5 Euros en milieu Free se vend entre 10 et 20 Euros en clubs.
Mais tout est « sous contrôle ».
Et en cas de « dérapage », il suffit de « retourner sa veste » et faire fermer le lieu pour quelque excuse que ce soit.
Simple, propre et « légalement illégale ».
La main mise sur les lieux publiques rassure tout le monde, des politiciens véreux aux préfectures corrompues en passant par la police – juste de simples exécutants tels de stupides robots – et le citoyen lambda.
Tandis que l’autogestion des teufeurs et du mouvement Free – Raves, Teknivals, etc. – effraie par sa liberté et son insoumission.
Sans qu’il ne soit question de rébellion, le discours du teufeur est simple :
« Qui es-tu, toi, homme politique pour me dicter ma vie et me dire quelle musique je dois écouter, comment je dois l’écouter et où je dois l’écouter ?
Quel mal je fais en me retrouvant dans un champ avec mes potes plutôt que d’aller zoner devant un hall d’HLM ou brûler des voitures en banlieue ? ».
Certes c’est une caricature, mais la question de fond reste posée :
Peut-on censurer ce que l’on ne comprend pas, simplement parce qu’on ne le gère pas ? Doit-on faire disparaître un « phénomène de société » parce qu’il fait peur ?
Le oui serait aux yeux du traité des droits de l’homme un peu « fasciste » s’il n’y avait pas le discours de la drogue.
Alors la censure intervient au nom de l’hypocrisie et peu importe si l’on condamne un mouvement – que l’on ne connaît pas - suivi par des millions de personnes.
Tiens, ça me rappelle quelque chose : La Sainte Inquisition ! eheh…
Pour en revenir aux raves et teknivals, c’est aussi pour cela que les associations de type Tekno+ dérangent – rappelons que son fondateur a risqué la pour incitation à la drogue.
Car peu importe si ces bénévoles sauvent des vies par leurs actions.
Il n’en reste qu’ils soulèvent un point fondamentale :
« S’il est nécessaire de faire de la prévention, c’est qu’il existe bel et bien un problème ».
Belle aubaine, donc, pour les politiques et tout devient excuse.
Mais en « fonçant dans le tas » à grand renfort d’hélicoptères et de plusieurs centaines de CRS armés pour faire stopper une rave, en arrêtant – 96 heures de garde à vue – des jeunes « en descente » - donc en danger – et en refusant par la force un droit d’expression qui ne dérange que par sa liberté, les autorités ne comprennent pas qu’elles font beaucoup plus de mal que de bien.
Car il faut lever le tabou : le nombre d’hospitalisations et d’arrêts cardiaques dus à la violence de la police sur le terrain et en garde à vue de personnes en descente est bien plus important que les cas d’overdose en teknival – inférieur au nombre de décès dans la foule d’un concert de Johnny Hallyday par exemple.
Et la presse d’en rajouter sur la polémique pour vendre ses papiers sur du sensationnel, alors qu’aucun journaliste n’a enfilé une paire de baskets pour venir constater le talent de certains DJ.
Ça n’intéresse donc personne de savoir qu’un teknival peut-être aussi bien organisé qu’un concert de Madonna sans en avoir les moyens ?
Serait-il donc tabou de dire qu’une rave est un rassemblement pacifiste où le sourire est sur chaque visage ?
Ou bien est-ce parce que la mort et la drogue sont plus vendeur, quitte à raconter n’importe quoi sans savoir de quoi on parle ?
S’il est important de savoir qu’il y a eu 2 morts en 4 jours sur un rassemblement de 70.000 personnes, il est aussi important de savoir pourquoi - pour ne citer que la présence de centaines de vendeurs de merde qui ne sont pas les bienvenus mais qui viennent imposer leurs drogues dangereuses.
Il est aussi important de parler de la bonne volonté et du sérieux des organisateurs.
Et puis il serait aussi intéressant de parler de ce qui se passe dans les discothèques – souvent hors normes et quasiment toutes gérés par la mafia – où vont nos enfants : viols, délinquance, décès par overdose dans les toilettes, etc. qui se perpétuent chaque semaine mais dont il est tabou de parler.
Il ne s’agit pas de jouer les Calimero, mais il faudrait que les mentalités se débrident et que l’on ouvre les yeux sur une réalité pour ne plus qu’il y ait de dérapages inadmissibles – qui pourraient être évités.
Prenons par exemple l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre, la Suisse et quelques pays limitrophes de l’Est.
Le phénomène Tekno y est encore plus fort que chez nous, pourtant les politiques ont compris qu’on ne combat pas ce que l’on croit être le diable en lui fonçant dessus cornes en avant.
Des études sérieuses ont été menées pour « étudier ce phénomène », notamment en Italie et en Angleterre – où le label « Spiral Tribe » a gagné son procès contre l’Etat – et la police a compris qu’il est préférable « d’encadrer » et d’aider au bon fonctionnement des raves, plutôt que de les réprimander.
D’une part parce que de toute façon rien ne peut les arrêter et d’autre part parce qu’ils ont compris que c’est le seul moyen d’éviter les dérapages.
Résultat, le nombre de décès qui aurait pu être évité est nul et les raves sont restées de vraies fêtes.
Quant à nous et notre exception culturelle, nous perdons nos DJ – parmi les plus influents sur la scène mondiale – qui s’expatrient à l’étranger.
La peur a pris le relais sur la fête, et chaque nouvelle tentative d’organisation d’une rave est
avortée en raison d’excuses grotesques.
Celles qui réussissent à voir le jour finissent par être le théâtre de conflits avec les forces de l’ordre – à la limite du légal parfois.
Malgré les lois qui interdisent les listes de catégories de gens, les plaques d’immatriculations sont photographiées et chaque personne arrêtée se voit systématiquement fichée, même si elle n’a rien à se reprocher.
Les organisateurs sont persécutés par la justice et les DJ sont brimés et traités comme des brigands, quand ils ne voient pas leur matériel – qui peut atteindre
des prix très élevés - confisqué en toute illégalité.
En France, de nouvelles lois ont été signées à l’encontre du respect des libertés mentionné dans le traité des droits de l’homme.
… Et nos dirigeants de sourire devant leur petite victoire contre un phénomène qui leur fait peur puisqu’ils ne le comprennent pas.