KONEK SOUND PACA
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 l'histoire secréte de freeparty

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k-o
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MessageSujet: l'histoire secréte de freeparty   l'histoire secréte de freeparty Icon_minitimeVen 27 Juil - 12:56

un article trés interessant et révélateur...

Retour sur la croisade techno qu'une poignée d'irreductibles lançait, il y a 10 ans à peine, à travers l'europe. Toujours sauvage, toujours illégalle, elle a initiée bien des changements. L'histoire secrète des raves parties


Paris, hiver 1999. Les vitrines des grands magasins clignotent à l'approche de Noël. Sous un immeuble de Bercy résonnent les chants de sirènes infernales aux vibrations de marteaux-pilons. Dans un long tunnel obscur, depuis longtemps déserté par la civilisation, s'agitent comme des rats quelque trois mille filles et garçons: crânes rasés, regards graves, treillis militaires froissés. Vautrée dans la poussière, le cerveau détraqué par des substances chimiques, ignorant le froid et la fatigue, la foule danse au ralenti. Le son métallique, assourdissant, d'une techno hardcore transperce les chairs. Le spectacle est hallucinant. Un paysage post-apocalyptique digne de Mad Max où des hordes de soldats en déroute auraient trouvé refuge. Les jeunes gens - 20 ans en moyenne - semblent jouir de ces conditions extrêmes comme d'une ultime provocation envers nos sociétés policées. Nous sommes dans une free party: une rave gratuite et clandestine. Elle est organisée par les Heretik, un jeune sound system parisien composé d'une douzaine de membres, dont le plus âgé a 25 ans. Adeptes de la débrouille, ils se sont occupés de tout, ne comptant que sur eux pour mener à bien leur entreprise illégale. Mais leurs efforts sont récompensés. Guidés par une mystérieuse infoline révélant le lieu de la fête à peine une heure avant son début, une meute de partisans -certains venus de province- ont accouru pour participer à l'orgie sonore. Devant l'affluence, la police se voit dans l'impossibilité d'intevenir sans provoquer un carnage. Cette nuit, aucun incident n'est à signaler, malgré l'absence de service d'ordre.



Il serait tentant de réduire les free parties à un mouvement marginal, un produit de la crise, un passe-temps de dégénérés. Et ce à un détail près: ces raves sauvages trouvent un écho grandissant auprès de la jeunesse européenne. En France, ils sont des milliers à parcourir des centaines de kilomètres pour communier sur des beats hardcore. La tête dans les étoiles et les pieds dans la boue, loin du confort douillet des boîtes de nuit. Autour de Paris, une ou deux free parties ont lieu dans un rayon de 150 kilomètres chaque semaine. Les sound systems les plus appréciés déplacent jusqu'à trois mille personnes. Détail révélateur: en 1993, le même tunnel de Bercy avait déjà été le lieu d'une free party. Elle n'avait alors rassemblé que trois cents personnes. Aux commandes, la mythique Spiral Tribe, tribu de travellers anglais qui, depuis le début de la décennie, sillonne les routes d'Europe et attise le mouvement né outre-Manche. « On peut légitimement se demander, écrit le musicologue Emmanuel Grynszpan, s'il ne faut pas voir en Mrs Thatcher la mère des free parties. » En 1988, l'acid house quitte l'underground et enflamme les clubs britanniques alors que les effets de l'ecstasy durent jusqu'au petit matin, les autorités promulguent une loi obligeant les boîtes de nuit à fermer à 2 heures. Pour prolonger la fête, reste une solution: investir clandestinement des endroits improbables. Les raves sont nées dans une usine abandonnée ou une clairière isolée. Mais ces nouvelles moeurs festives auraient sans doute pas connu un tel élan si elles n'avaient pas, très vite, rencontré la tradition «traveller », qui se développe en Grande-Bretagne depuis que la suppression des aides sociales a chassé les communautés marginales des vines. Les ravers prennent modèle sur les travellers. Ils s'organisent en sound systems itinérants pour colporter le nouveau son à travers le pays.



Les free parties prennent dès lors une dimension politique, en opposant une nouvelle forme d'hédonisme à cet ennui profond qui plombe l'Angleterre conservatrice. Elles se révélent aussi, par leur nature éphémère, difficilement maîtrisables par les forces de police. Elles proposent enfin un mode d'existence autonome qui repose sur la récupération des rebuts de la société de consommation: matériel hi-fi obsolète, sites industriels sacrifiés sur l'autel de la crise ou camions de l'armée condamnés à la casse. « C'est le principe du mixe à l'échelle de la société, analyse le sociologue Michel Maffesoli. De la même façon que le Dj mélange des vieux disques pour créer un nouveau morceau, les nomades techno utilient des objets déjà existants pour inventer un style de vie inédit. Les free parties originelles bannissent l'argent. Le troc y est courant. On échange des drogues -LSD, ecstasy- contre des disques, des disques contre de l'essence, de l'essence contre des tatouages... Chaque rave se clôt par un rituel incontournable : quelques excès qu'ils aient connus, les ravers ramassent leurs ordures, s'attachant laisser la nature plus propre qu'ils ne l'ont trouvé. paradoxalement, l'énorme succès que rencontrent les free parties en Angleterre va leur être fatal. En 1992, le teknival de Castlemortom, où la techno pulsera pendant trois jours d'affilée sans interruption, rassemble quelque cinquante mille personnes. Les autorités paniquées ne tardent pas à réagir. Le matériel est confisqué et plusieurs membres de tribus sont arrêtés. En 1994, la Criminal Justice Bill interdit toute réunion de plus de cent personnes écoutant de la musique répétitive. De toute façon, dès 1992, les tribus les plus déterminées, comme Bedlam Circus et Spiral Tribe, se sont exilées en France.



Sur le continent, les nomades techno vont entamer une incroyable croisade sonique. On peut alors suivre leur progression géographique. En France, d'abord. Eté 1993, le premier teknival débarque à Beauvais. Une infoline saturée vient à bout de trois répondeurs; des voitures défilent sur 5 kilomètres comme des tanks dans la nuit; des tonnes de décibels prennent d'assaut le cerveau; de l'ecsta en rafale. Ceux qui mouillèrent leur tee-shirt lors de cette épopée fondatrice en parlent aujourd'hui avec d'étranges lueurs dans les yeux. Il y a eu Woodstock en 1969 et Beauvais en 1993 , affirme un vétéran. Le même été, on retrouve la Spiral Tribe à Montpellier et à l'automne, un deuxième teknival s'organise à Fontainebleau. En 1994, les travellers passent les frontières. Certains se dirigent vers la péninsule Ibérique, d'autres remontent les Pays-Bas. De longs convois d'une quarantaine de véhicules partent pour l'Est, notamment la République tchèque. En 1995, une fraction part à la conquête des Etats-Unis; une autre, quelques années plus tard, rejoint l'Inde par la route. Aucun rews médiatique: les raves se propagent d'elles mêmes
Autre paradoxe: alors que les médias s'enorgueillissent de leur toute puissance, la musique dite technologique a contaminé l'Europe sans le moindre relais médiatique. Cette culture a été directement transmise à la jeunesse par des sound systems itinérants. Michel Maffesoli rappelle: "Il existe une similitude entre les poètes dionysiaques de l'Antiquité, les troubadours du Moyen Age et les nomades tedmo. Tous créent une culture à partir de la circulation. Ils prennent la route, allant de ville en ville, générant des sortes d'émeutes festives à la faveur desquelles les populations expérimentent cette culture. Cependant, si les free parties ont participé au retour de phénomènes archaïques, leur développement est inséparable de celui des nouvelles technologies." Les travellers techno ont beau avoir les mains dans le cambouis, ils n'en utilisent pas moins l'Intemet dès 1991 pour tisser leur réseau. Au fur et à mesure qu'ils traversent les pays, les Anglais provoquent des vocations. Dans leur sillage naissent des sound systems locaux qui continuent de cultiver le son après leur départ. La première édition du festival techno Boréalis à Montpellier intervient quelques mois après le passage des Spiral Tribe. La France devient la terre d'élection des free parties dès 1993. Les Nomades, OQP ou Teknokrates reprennent à leur compte ce mode de vie.



A partir de 1995, cependant de nouveaux sound systems se démarquent du modèle britttanique, en choisissant un mode de vie moins marginal. Les Furious, Heretik ou Mas y Mas -pour ne citer qu'eux, parmi la soixantaine actuellement en activité- ne sont plus systématiquement nomades. Ils vivent dans de grandes villes autour desquelles ils organisent des free parties. Plusieurs fois dans l'année, ils se regroupent au cours de teknivals rituels, formant de gigantesques campements pendant cinq ou six jours, où peuvent se côtoyer une quarantaine de sound systems. Avec cette nouvelle génération, le mouvement va sortir de l'underground pur et dur pour devenir un fait de société. Forts de l'expérience de leurs aînés, à qui la drogue a parfois été fatale, ils ne fondent plus leur économie sur le deal. Pour rentrer dans leurs frais, ils demandent 10 F à l'entrée ou organisent un bar. En fait, les membres de ces tribus urbaines, à l'instar de leur public, mènent souvent une vie sociale des plus normales. Ils sont étudiants, travaillent ou encore vivent chez leurs parents. Ultime signe distinctif avec les premiers sound systems anglais réside dans l'absence de discours revendicatif, mis à part celui de l'activisme festif . La police, cependant, se montre de plus en plus dure. Elle ne reconnaît le droit d'existance aux raves seulement lorsqu'elles s'inscrivent dans le circuit commercial. La jeune tribu albigeoise Wodooz a fait les frais de cette répression. Six mois d'enquête, infiltration du milieu, écoutes téléphoniques: un juge d'instruction d'Albi a eu recours à des moyens démesurés pour coincer ceux q'elle espérait être de dangereux trafiquants de drogue. Au final, seulement 25 grammes de haschisch ont été trouvés lors du coup de filet de la gendarmerie. Onze membres de la tribu ont quand même été mis en examen. A l'issue de leur procès en septembre dernier, un seul chef d'accusation sur cinq a été retenu, celui de travail clandestin. Résultat: une condamnation à 10 000 F d'amende dont 5 000 F avec sursis. Mécontent d'un verdict qu'il n'estime pas assez sévère, le parquet a fait appel....


Les free parties sont pourtant le fruit même de la société qui les condamne. A travers ses excès, elles offrent un exutoire à la violence sourde de nos vies modernes. "Nos sociétés ont tendance à dénier la part d'ombre de l'homme, alors q'il s'agirait au contraire de la prendre en considération pour quelle se modère", confirme Maffesoli. A l'instar des carnavals originels, les free parties sont des lieux hors du temps et en rupture avec la vie quotidienne, dans lesquels il est possible de ritualiser l'apparition de la part maudite, d'homéopathiser ses effets. "A quand la free party déclarée d'utilité publique", comme le revendiquaientt les Heretik sur le tract annonçant leur sabbat clandestin dans les caves de Bercy?
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